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16 janvier 2009

Ah ah.

Une lucarne.

Exister.

J’ai 14 ans. Dans 3 jours, j’en aurai 15. J’aime manger, j’adore ça. Je n’ai jamais suivi de régime, je ne suis pas grosse pour autant. Je m’en fiche de ressembler à celle que je suis. Je m’en fiche des autres, en règle générale.
A l’heure où mes amies rêvaient du prince charmant, d’un mari musclé au torse bronzé, de 3 enfants adorable et d’une belle maison avec vue sur la mer, j’aurai aimé être grosse, dodue, enveloppée. Pas obèse, non. Avoir des jolies hanches, comme sur les tableaux de Paul Gaugin. J’aurai aimé être lesbienne, ronde comme une pomme, être laide, petite, juste pour ne pas faire comme les autres. Avoir une vie tumultueuse, mais dans le bon sens du terme. Etre libre. J’étais comme ça, et je le suis toujours. Je déteste collée à un moule précis. Je déteste être comme les autres. J’aime aimer la vie, j’aime exister. J’aime courir dans les magasins. J’aime crier ma rage, j’aime chanter fort et faux, j’aime sentir les fleurs, manger des choses grasse et sucrée. J’aime être sous un parapluie lorsqu’il pleut. J’aime le bruit de l’eau, le bruit des pièces, le bruit des gravillons. 
Mais ça, les gens, ils ne comprennent pas. Eux, quand ils entendent le mot pluie, ils pensent aussitôt aux désagréments apportés par le mauvais temps. Quand ils entendent argent, ils se retournent, pensent magasins, crise économique, prix. J’aime être ridicule. J’aime rire, j’aime faire rire, j’aime entendre rire.
J’aime manger des bonbons la nuit, courir, sauter, danser, jouer.
Les gens pensent que je suis immature. C’est faux, je le sais bien. Mais je ne dis rien, je souris, j’acquiesce. Après tout, ils ne peuvent pas savoir. Ils ne peuvent pas savoir que je suis plus qu’une image, plus qu’un personnage. Je suis une âme. Je suis un corps, qu’importe son apparence. Et ce corps supporte comme il peut un lourd cerveau, un petit cœur amoché par le temps. Mais mon p’tit cœur, il  aime vivre, quoi qu’il arrive. Enfin, je crois.

Je commence à me poser des questions quant à mon envie de liberté. C’est possible, ça, d’être libre ?  Je ne sais plus. Je ne sais même pas ce que c’est, la liberté. La liberté d’expression, d’opinion, tout ça, il parait qu’on l’a déjà. Que c’est écrit dans des textes. Mais la vraie liberté,  celle où l’on est tout seul sur une ile déserte, qu’on se lève, qu’on cris « Je suis libre ! » parce qu’on l’est vraiment ? Parce qu’on peut montrer ses fesses, faire des graffitis, faire la roue, manger de tout et de rien, faire des cabanes, sans que personne ne vienne nous dire ce qu’il faut faire ? Ca existe encore ?
J’ai 15 ans demain. Je serais une grande fi-fille. Mature, intelligente, drôle. Non, je rigole. Personne me changera. Personne a intérêt à me changer. Je ne veux pas devenir comme toutes les autres.

Aujourd’hui, j’ai 15 ans. En français, on a fait un exercice. Il fallait décrire quelqu’un sur 10 lignes.  Je vais m’y coller. Sur moi-même.
J’ai 15 ans depuis aujourd’hui, le 16 avril 2005. Je suis de taille moyenne, je dois mesurer environ 1m60. Je suis de tempérament très changeant. Cela dépend de tout un tas de truc. Si j’ai mes règles ou pas, ce genre de choses. S’il fait beau. Si je croise moins de 5 chats dans la rue des chats. Si la prof d’espagnol est là. Je m’égare. Je suis brune, auburn. J’ai des yeux noisettes, ma mère les trouve très jolis et dis que je peux en être fière. Moi, je ne vois pas comment on peut être fière de ces yeux. J’ai de long jambes et un tout petit ventre. Je ne suis pas particulièrement svelte, mais je ne suis pas non plus rondelette. Dans la moyenne.  J’ai une jolie peau, quoi qu’un peu sèche. Je déteste le cassoulet et le bruit des craies sur les tableaux noirs. Je n’aime pas faire les magasins, et je n’aime pas non plus la couleur orange. Je tombe toujours amoureuse de parfaits cons, je n’aime pas regarder la télévision et je déteste le bruit des touches d’un clavier d’ordinateur.
Voilà, 10 lignes. Pour mon anniversaire, j’ai eu 100 euros de ma grand-mère et le double de mes parents. J’aurai aimé quelque chose de plus…Personnel.

Paraitre.

Voici la lettre que j’ai reçue ce matin.

«  Bonjour Ella .Cela  fait bien longtemps que nous ne sommes pas écrit. Ici, il pleut.  Ici, il fait froid. Ici, tout est couleur corbeau, depuis qu’Anne est morte, samedi. Oui, je ne sais pas si maman ou Thomas t’on téléphoné. Je ne m’arrêterai pas sur les détails. Toujours est-il que samedi, paf ! Accident de moto. Avec son chéri, Louis, qui s’en est sorti. De justesse. Maman passe son temps a pleuré, Thomas passe son temps au téléphone, et moi je suis au milieu de tout ça. Anne, je ne la connaissais pas beaucoup. J’ai pleuré, à son enterrement. Un tout petit peu. Mais tu sais comment c’est, les enterrements. Il suffit qu’une seule personne se mette ne serait-ce qu’à renifler pour que tout le reste de l’assemblée se mette à renifler à leur tour. Et puis tout le monde est venu à la maison, tout le monde nous a présenté leurs condoléances. J’ai détesté ça. J’en ai rien à foutre, de ces guignols en noir sois disant triste. Surtout quand c’est des gens qui ne la connaissait pas. Qui vous disent des trucs du genre «  Je partage votre peine. » Moi, Anne, je ne la connaissais pas. C’était seulement ma demi-sœur. Mais ça fait un gros vide. Un gros blanc. Alors moi, je n’ai rien dit. J’ai laissé pisser. Papa arrête pas de répéter des trucs du genre «  Anne c’était la plus douce, la plus intelligente, la plus mature. »  Ella, dis moi franchement. C’est normal d’être jalouse d’une morte ? Je sais que tu étais très amie avec Anne. C’est avec elle que tu avais passé le dernier réveillon, n’est ce pas ? Je sais que c’est très égoïste de ma part, mais je n’en peux plus de cette ambiance mortuaire. Tu me comprends, quand même, un peu ? J’ai honte de moi. Anne me manque un peu, tu sais. Dès fois j’ai envie de pleurer, surtout quand je passe devant sa chambre. Ca sent encore son odeur.  Bon  Ella. Je te fais de gros bisous. Répond moi, s’il te plait. Même si je suis un monstre, j’en ai conscience.

Sarah.

A la suite de cette lettre, j’ai compris tout s’écroulerait au fur et à mesure que j’avancerais dans ma vie.   Alors je n’ai rien dit. Je me suis juste jetée sur mon lit. J’ai juste inspiré l’odeur de la lessive. J’ai juste regardé mon plafond. J’ai juste crié fort. Dans ma tête. Ca a raisonné dans mon cœur, très fort, et mon cœur était tellement petit et serré qu’il a rien compris, le con. Il s’est dégonflé super vite. Et ça a fait super mal.

Hier soir, après avoir réfléchis pendant longtemps, après avoir pesé le pour et le contre, j’ai récupéré ma pochette à élastique remplie de photo de photomaton. Celles avec Nolwenn, celles avec Jeanne, celles avec maman, celles d’identités… Et celles avec Anne.
Je les aie regardés longuement. J’ai vu son fantome se détacher de la photographie, s’accrocher à mon cœur, tourner autour, encore et encore, j’ai senti ce même fantôme rentrer dans mes narines, et sortir par mes yeux, sous forme liquide. Il est rentré, imprévisible, à nouveau, comme si ma peau et mes os ne le dérangeait pas. Il s’est mis à grignoter mon cœur, à le saccager. Le piétiner. Le presser comme l’on presse une vulgaire orange, à en extraire le jus, et mon cœur s’est retrouvé tout sec, tout seul. J’ai pris le fantôme à pleine main, je l’ai déchiré en deux. A la poubelle, fantôme d’Anne. A la poubelle, souvenir. A la poubelle, les photos. En même temps que je saccageais une après midi de jeux, de rigolade, de souvenirs, je saccageais mon cœur, mon moi-même. Mon intérieur.

Je n’ai rien dit à maman. Elle se sentirai trop concerné, la connaissant .Et puis elle le saura bien assez tôt, lorsque Margot téléphonera. Je porte mon deuil dans le noir. Je n’aime rien tant que la nuit. J’ai relu la lettre de Sarah à la lueur de la bougie. J’ai tout relu, et j’ai compris plusieurs choses. J’ai compris que la mort, personne ne la vivait de la même manière.
Certains sont triste et rageant, s’en prenne au monde entier, cris et pleurs pendant un temps et puis un jour…Un jour c’est fini. D’autre sont méthodique, serein, pleurs aux enterrements et puis, plus rien. Attention, cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas triste. La plupart du temps, ils luttent contre eux même, contre les pleurs qui montent. Il y’a ceux qui sont lointains, comme l’est Sarah. Sarah n’a jamais connu Anne vraiment. Anne est né d’une première rencontre de Margot et Thomas, il y’a 17 ans. Et puis Anne est partie vivre avec Thomas lorsque Margot et ce dernier ont divorcé, 2 ans après. Margot s’est mariée à Jean , a eu Sarah. Et Jean s’est barré pour vivre avec une streap-teaseuse du club d’en face dès que Margot a accouché. Il voulait un mec, le salopard . Un p’tit mec pour aller pêcher et chasser et jouer au foot. Parce qu’une fille, ça sert à quoi ? Leur idylle a duré 1 ans et demi, le temps d’avoir Sarah. Alors Margot est revenue vivre avec Thomas, il y’a 5 ans, après avoir vécu seule avec sa fille pendant 8 années. Anne était très malade à l’époque, elle ne parlais plus. Une maladie de l’intérieur, elle passait le plus clair de son temps chez une psychologue ou à l’hôpital. Personne ne sait de quoi elle souffrait. Sarah ne savait que faire, a 10 ans, d’une sœur qui ne parlais pas. La maladie d’Anne a duré 4 ans. Et puis a 16 ans, paf ! Elle est tombée amoureuse de Louis, et tout d’un coup, schlam. Elle a retrouvé l’usage de sa langue. Sans mauvais jeu de mot. Sarah a vécu sous le même toit que Anne pendant 1 an. Je dis sous le même toit car je crois que Sarah n’a jamais vraiment pardonné à sa demi sœur de ne pas lui avoir parlé pendant 4 ans. Elle ne lui parlais jamais, et c’était absolument réciproque.

Sarah était ma meilleure amie lorsqu’elle vivait ici . Et puis elle a déménagé pour aller vivre chez Thomas, a 200 kilomètre d’ici. J’ai rencontré Anne et puis on ne s’est plus tellement parlé, avec Sarah . Elle avait tellement changé. Et puis, il y’a eu l’accident… Anne était tellement douce. Tellement intelligente. Elle en avait, des choses à dire, tout un tas de trucs qu’elle n’avait pu raconter pendant ces 4 années.

Utiliser le passé pour parler d’Anne me fait dorénavant peur. Lorsque  je parle d’elle, j’ai envie de dire qu’elle est belle, et jolie ; et intelligente, et drôle. Pas qu’elle était intelligente, et belle. C’est le passé qui me fait peur, c’est cet espèce d’avenir blancoté et ce passé venimeux.  Et ce présent qui pique, qui me fait ravaler mes larmes et crier ma rage de l’intérieur.

Je ne compte plus les chats quand je passe rue des Chats le matin. Il n’y’en a plus, de toute manière.

Sembler.

Hier soir, j’ai reçu un coli. Un tout petit coli, avec un mot à l’intérieur. De Sarah.

«  Voilà, ça fait un mois que j’ai envoyé la première lettre. Tu n’y a pas répondu, j’aurai dut m’y attendre. Toujours est il, voici ton « héritage » . Un petit carnet rose pale . »

Un tout petit carnet. J’ouvris, le cœur battant. Un journal intime ?

«  Le 12 mars 2003.
Je ne parle plus depuis exactement 3 ans. Le pire c’est que je ne sais toujours pas pourquoi je ne parle pas. La fureur de vivre ? .

Le 13 mai 2003.
Il fait bon, je suis allée me baigner dans le ruisseau. C’était gelé, mais c’était tellement bon.

Le 23 Juin.

J’ai repéré un garçon, dans le bus.

Le 13 septembre 2004.

Ce garçon s’appelle Louis. J’arrête ce carnet, car à partir d’aujourd’hui, j’aime la vie. »

Seulement 4 lignes. Et pourtant…

Vous savez, quelque fois, on vis dans un tunnel noir . La mort, c’est ça. Un long tunnel, sans lumière au fond. Parce que la mort, on n’en sort jamais. Ca s’arrête pas, ça tombe comme des mouches, plus on vieillit, plus il faut s’habituer à cette idée. Mais dans cet étroit tunnel, il y’a des fenêtre. Pas des baie vitrée, non. Plutôt…. Des étroites lucarnes. Ce carnet est une de ces lucarnes. Anne aime la vie. Anne aimait la vie. A vivre dans le noir on en oublie le bleu du ciel et le vert de l’herbe.

Devenir

Ce matin, il y’avait 6 chats, rue des chats. A m’attendre, à miauler. J’ai souris. Je n’affirmerai pas que je vais mieux. J’ai écrit un mot à Sarah. Juste un mot. « Merci. » J’ai récupéré les bouts de photos du photomaton, je les aies raccommodé à coup de scotch et collé sur mon mur. Ca m’aide à me rappeler que la vie, des fois, c’est bien.
Et puis je suis allée courir dans les magasins, j’ai ris comme une folle, toute seule, et je n’ai plus senti l’odeur putride de la mort, parce qu’Anne , elle aimait la vie.

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Commentaires
C
J'aime ton écriture. Ce doit etre encore plus jolie écris de ta main.
L
Voilà, c'est tout !
L
Au fait, arrête moi si je me trompe mais ça fait longtemps que ton contrôle sur les repères géographiques doit être passé ^^
L
J'aime trop, c'est bien écrit, c'est vivant, la syntaxe est stylée, et tu es forte pour les images, les métaphores...<br /> <br /> Mais sinon...Quelle est la vraie moralité ?
K
Parce que Anne, elle aimait la vie.<br /> J'ai beaucoup aimé !<br /> Continues, Jude, je te lirais.
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